Les faits : après avoir rejoint quelques personnes du "Réseau sortir du nucléaire" dont le but est ce jour mener une action de communication en distribuant des tracts autour du stade de France où doit se dérouler le "Meeting Areva" nous faisons route vers ce lieu. A la sortie du métro nous marchons par petits groupes de 2 ou 3. Seules 2 personnes ont mis un T-shirt "Nucléaire Dégage" aux couleurs du Réseau. Pas de drapeau ni de pancarte. Au moment de passer sur la passerelle au-dessus du canal, une bonne vingtaine de CRS qui attendaient tranquillement appuyés sur la rambarde nous barre le passage. Pourquoi nous ? simple contrôle, nous répondent-ils. On ouvre les sacs comme ils le demandent. Il n'y a rien dans le mien, que des affaires personnelles. "Attendez là", me dit-on. "Pourquoi ? quel est le problème ?", pas de réponse. Très vite on nous encercle. Plein de personnes passent à côté sans être arrêtées. Nous, on attend.
A ce moment j'enfile aussi un T-shirt "Nucléaire Dégage".
Photos
A l'écart, un gradé est en longue conversation radio. Impossible de savoir quoi que ce soit. Par contre on voit bien les 3 RG qui nous ont signalés à côté d'un pilonne en béton en arrière et qui communiquent aussi par leur radio.
Après 20 minutes d'attente, on nous demande de nous déplacer et de descendre de la passerelle. Là, un bus de la police arrive. Les CRS forment un couloir pour nous faire monter dedans. "Pourquoi doit-on monter dans ce bus ? Où nous emmène-t-on ? - avancez monsieur ! - est-ce qu'on a fait quelque chose d'illégal ?", pas de réponse et on me prend par le bras pour me faire avancer.
Tout le monde finit par monter, l'un d'entre nous se faisant un peu assister se fait égratigner le poignet au passage. Une fois dans le bus on attend encore.
L'ambiance est bon enfant. Les uns prennent des photos, d'autres communiquent via Tweetter, Facebook, SMS.
Après avoir bien pris la chaleur du soleil le bus démarre enfin. 20 minutes de trajet environ et nous arrivons devant le commissariat de Saint-Denis. Sur le trajet on essaie d'attirer l'attention des passants en montrant nous tracts contre les vitres.
tract : AREVA et l'athlétisme un mariage contre nature
Devant le commissariat, longue attente encore. En faisant le tour des effectifs (tout le monde ne se connaissait pas avant d'arriver là) on se rend compte qu'ils ont embarqué avec nous une jeune femme qui n'a rien à voir avec nous : elle avait reçu une invitation au meeting par Areva, elle vit en foyer et ne doit pas rentrer trop tard au risque d'être refusée. Elle a avec elle son billet d'entrée, les documents de présentation des différentes épreuves avec le Logo "Areva" imprimé partout.
Par contre 2 petits groupes ont réussi à s'approcher du stade sans être stoppés et sont entrain de distribuer les tracts comme prévu.
Dans le bus la température monte, et pour cause : on est en plein soleil, aucune aération ouverte, mais ce n'est pas tout, on nous a mis un peu de chauffage. Lorsqu'on s'en rend compte on demande aux policiers de l'arrêter, réponse de l'un d'entre eux en riant : "ah mais moi j'ai un peu froid". A l'aide d'adhésif emporté par l'un d'entre nous, celui-ci colmate donc les arrivées d'air du chauffage. Puis un femme finit par signaler qu'elle a déjà eu des problèmes cardiaques. Un gradé en civil intervient alors et demande que la trappe d'aération au plafond soit ouverte et la ventilation mise en marche, mais faisant comme s'il ne savait pas. Il s'excuse. on attend encore un peu et ce faisant on échange diverses informations et en particulier sur la conduite à tenir. Les plus expérimentés essayant de "raisonner" les plus nerveux en conseillant de garder son calme et en expliquant comment cela pouvait se passer.
Enfin on demande à 10 d'entre nous de descendre du bus. "Pourquoi seulement 10 ? Pour quoi faire ?", pas de réponse. On désigne la jeune femme "invitée d'Areva" en premier espérant qu'ils la libèrent au plus vite. Puis huit autres (les plus proches de la sortie du bus), puis la dame "cardiaque". "Mais je ne suis pas seule, je suis avec mon fils. - Ah... bon, votre fils vient avec vous alors". 2 mn plus tard "3 de plus", puis "encore 2", et puis on finit tous dans le commissariat.
Pas assez de place pour tous s'assoir sur les quelques bancs. "Asseyez-vous par terre !", ça tombe bien le carrelage est crade, mais frais !
On continue comme dans le bus à téléphoner, photographier, filmer, envoyer sms, tweets, mails... un "petit chef" s'en aperçoit : "Vous éteignez vos téléphones ! Et puis, vous allez tous vider vos poches et nous donner vos téléphones ! - ah non pourquoi ? - parce que ici vous êtes chez moi et c'est moi qui commande ! - Euh... le commissariat il est un peu à nous aussi, et puis d'abord dites nous pourquoi on est là ? - on le sait pas, c'est pas nous qui vous avons arrêtés ! - on vous a rien dit ? vous en savez rien !? elles marchent pas bien vos radios !! - on peut rien vous dire on sait rien". Les 3 ou 4 policiers présents esquivent et se détournent (genre "tiens j'avais pas un truc à vérifier sur la peinture du mur du fond de la salle moi ?").
sanurezo.org
Après 1/4 d'heure à me rafraichir sur le carrelage : "Y'en a 10 qui repartent dans le bus !". Re-belote, où ? Pourquoi ? pourquoi faire? Questions sans réponse. J'en suis et la pauvre "invitée au Meeting par Areva" aussi. Avant de monter dans le bus on le signale une nouvelle fois : "Elle allait tranquillement au meeting, elle a sa place, elle n'était pas avec nous, laissez-la partir !". Un policier interpelle alors son capitaine, qui accepte de traiter son cas de suite : Ouf ! je remercie le policier en question qui vient de reconnaitre "Nous mais attend c'est n'importe quoi là !".
Une femme nous fait monter dans un bus plus petit (panier à salade "normal") , avant de refermer la porte : "Mais je les emmène pas toute seule moi ! - (hilarité générale) Mais pourquoi madame, on est gentils nous !". Un autre policier d'un ton sec : "Fermez la porte et descendez de là !". Explications à l'extérieur du bus, on vérifie que les portes arrières ne peuvent pas s'ouvrir : c'est nous qui confirmons "oui, oui, c'est bon c'est bien fermé!" (rigolades) puis elle finit par se mettre au volant avec un collègue masculin comme passager.
On continue à faire les clowns en essayant de voir vers où on se dirige. Grand coup de frein. "Asseyez vous pour ne pas vous faire mal", trop tard, ma voisine qui s'était levée, vient de s'éclater le coude contre la paroi (petite plaie sans gravité, elle aura un beau bleu demain). Puis "tiens, si on demandait la sirène ?!!" et tous en chœur : "La sirène ! la sirène !", on continue de rouler puis on arrive à un feu où ça bloque. La conductrice, met en route le "deux tons" : acclamation générale : "Ouaaiiis !!!!!!" bref on s'amuse comme on peut. Dans ce bus toujours pas de ventilation.
Enfin, arrivée au commissariat d'Aubervilliers 2h après notre interpellation. A notre descente un policier à son collègue : "C'est une manif anti-nucléaire - Ah non ! ce n'est pas une manif, on a strictement rien fait !".
On nous invite à prendre place dans la grande cellule vitrée. Comme tout le monde continue à téléphoner, filmer, etc... un nouveau "petit chef" intervient : "Vous éteignez tous vous téléphones! - ça y est c'est bon on l'a fait - montrez-le moi - Bon ok, je vais l'éteindre alors, mais d'abord est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'on fait là ? Pourquoi on a été amenés ici? - ok vous, je crois qu'on va bien s'entendre, on va commencer par vous ! - mais dites nous pourquoi on est là !" il tourne les talons et la jeune policière adjointe referme la porte : "on n'en sait rien."
Enfin entre un homme en civil, le Lieutenant "machinchose" : "vous allez présenter un par un à mon collègue une pièce d'identité. Est-ce que vous en avez tous une ?" deux mains se lèvent : "on n'en a pas - bon, mettez vous de côté".
Je présente ma pièce d'identité au policier qui note sur un grand cahier ; question à son collègue : "on peut se connecter au fichier là ? - non ça marche pas. - bon ok, monsieur c'est bon, bon après midi". Il est presque 19h et nous avons été privés de liberté de circulation depuis 16h environ.
Les autres suivent. En les attendant devant le commissariat j'observe le ballet des jeunes en scooters qui vont et viennent en faisant des acrobaties et zigzaguent entre les voitures, sans casque bien sûr....
Xavier